« Bo-jutsu Contemporain » par A. Schneider
BO-JUTSU
L’art du Bo-jutsu est issu de la pratique du bâton long par les bushis (guerriers) d’Okinawa qui, en observant les outils utilisés dans le travail quotidien par les paysans, les pêcheurs et d’autres artisans se sont rendus compte de l’arme que pouvait représenter ces outils dans le cadre d’un combat. Cet art, dans lequel l’ajout des déplacements, des postures, des techniques offensives ou défensives, ont donc permis aux bushis d’Okinawa d’en faire un art martial à part entière : le Bo-jutsu . En effet manier un bâton relativement lourd et long de l m 82, avec la même aisance que d’exécuter des techniques à mains nues, relevait d’une étude et d’une pratique nécessitant de longues années d’entraînement. C’est ainsi que le Bo-jutsu est devenu une discipline du Ko-budo d’Okinawa.
Manier le bâton, pour la défense comme pour l’attaque, c’est tout un art mis au point au cours du Moyen âge japonais par des générations de combattants et d’experts. Puis de maîtres, qui cherchèrent avant tout à transmettre leurs savoir-faire aux générations suivantes. Ce n’est que vers la fin du XIXème siècle que ces techniques se sont imprégnées d’éléments spirituels pris à d’autres arts martiaux japonais déjà plus affinés, ce qui les a érigés en authentiques Budo. Leur raison d’être est, aujourd’hui, le travail du pratiquant sur lui-même. L’adversaire n’est désormais plus devant lui, mais en lui. « Dominer l’adversaire » est devenu « dominer son propre ego »…
Le Bo-jutsu, (faisant partie des Ko-budo) (qui prolonge la main vide), affûte l’esprit, développe et entretient l’habileté avec un sens aigu de la distance (Ma-ai). Mais aussi, parce qu’il me semble que la gestuelle même est imprégnée d’un esprit de résistance, de non acceptation, de non démission, face à l’inacceptable (historiquement, le Bo-jutsu, entre autres, était un moyen de refuser la présence de l’envahisseur étranger sur une terre qui voulait rester libre: il était l’outil de survie du peuple okinawaien mobilisé dans le refus de l’oppression des Samurais du clan Satsuma, et aussi, dans le Japon féodal, de tout individu qui n’avait pas accès aux véritables armes de la classe guerrière. En le pratiquant encore, il faudrait donc aussi le faire dans l’esprit d’antan, c’est-à-dire prendre conscience qu’un homme libre, et qui veut le rester, ne peut accepter n’importe quoi. On peut donc aller jusqu’à penser que pratiquer les Bo-jutsu dans son esprit d’origine, c’est entretenir la « fibre réactive » de l’Homme confronté à ce qui essaie de le détruire. Ici encore, la seule technique n’est rien sans l’esprit qui l’accompagne
Le Bo-jutsu est généralement pratiqué par les karateka qui trouvent dans son maniement beaucoup de similitudes avec les gestuelles du karate. Toutefois tout budoka peut pratiquer cet art pour en faire un complément de sa discipline principale.
On devrait plus souvent introduire dans les Dojo l’étude des armes traditionnelles, dont le Bo-jutsu.
Hanshi W.A. Schneider